Article de Hiboude pour Pascal Retro Games
Les sociétés secrètes chinoises
Dès les premiers siècles de notre ère, les sociétés secrètes sont connues comme des associations ou des fraternités clandestines qui perdurent au sein de l’empire chinois de nos jours, même si leurs idéaux ont souffert de mutations.
Aux prémisses, elles les sociétés secrètes n’ont aucune aspérité criminelle, mais philanthropique, ce sont à la fois des groupes d’insoumission collective, des centres de lutte politique contre le pouvoir impérial mais aussi des foyers de dissidence idéologique. Elles naissent comme un mouvement de résistance aux empereurs mandchous et constituent un phénomène récurrent dans la vie sociale de l’ancienne chine. Ce sont des associations de secours mutuel, des fraternités fondées sur l’aide, la préservation du clan, de la famille.
Une mafia, quant à elle, est une société secrète, fraternelle à caractère criminelle, permanente, hiérarchisée, fondée sur l’obéissance, et, s’appuyant sur une histoire mythologique, sur des valeurs fortes et symbolique. La notion de famille prédomine ainsi que le sentiment d’appartenance, chacun des membres perd son individualité pour faire partie de la famille que constitue le groupe mafieux.“ La famille mafieuse ne s’éteint jamais, vous en trouverez deux, trois, mais la famille reste et si les enfants ne suffisent pas, elle coopte des hommes plus audacieux, elle leur donne ses filles pour épouses.” (Giorgio Bocca)
Au fil des années, on peut aisément constater que les organisations criminelles se diversifient aussi bien dans les réseaux de marchandises que dans leur organisation en elle-même, elles tendent à se multiplier et à s’étendre à l’échelle internationale. Ainsi se crée l’expansion du pouvoir, de la puissance et de l’influence de toute organisation.
Apparition d’une nouvelle institution : les sociétés secrètes chinoise
Histoire et origine
Il est difficile de dater exactement l’apparition des sociétés secrètes, toutefois, il est possible de déterminer la période. Elles naissent en temps de grande fragilité, alors que la population souffre et montre son mécontentement face à la mauvaise gestion et à l’injustice que font part les empereurs de la dynastie Ming ainsi que la menace omniprésente de l’invasion mandchoue. Un groupe d’officier décide alors de se regrouper et d’organiser une société secrète. Ils vont se mettre à recruter des soldats patriotes afin d’éliminer la corruption au sein du pouvoir, de limiter l’avancée mandchoue et de remettre le pays dans le droit chemin, sous les valeurs anciennes. Toutefois, il est trop tard, un rebelle s’empare du pouvoir. Un des généraux trahit les Ming et s’allie aux Mandchous dans le but de faire tomber le rebelle. Cette alliance signe la fin de la dynastie Ming au profit de celle des mandchous.
Après cet événement, l’organisation créée perd en puissance, bien qu’elle cherche toujours de nouveaux membres, les luttes sont réprimées par l’empire avec beaucoup de violence. A Szechuan, lors d’une révolte, des rescapés se réfugie dans un monastère Shao Lin, situé dans les montagnes Kaolin, dans la province du Fujian. L’empereur Yin-Chen fait attaquer le monastère et ordonne l’assassinat de tous ceux s’y trouvant. Cent dix moines trouvèrent ainsi la mort. Mais, dix-huit hommes survivent grâce à l’effondrement d’une énorme tenture jaune, qui les protégea des fumées et les rendit invisible au regard des soldats des Qing. Les cinq survivants deviendront par la suite la figure mythologique de toute triade, sous le nom « Les premiers cinq ancêtres ». Plus tard, ils vont se retrouver encerclé par l’armée Qing sur une plage, ils vont réussir à s’échapper et trouver refuge dans le monastère de Po Tak, l’abée présent, leur présente cinq anciens officiers réfugiés partisans des Ming. Ils vont former les « Second cinq ancêtres ». Le recrutement reprend, l’organisation revient en puissance sous la nomination de Ming Yeung Tong Tong Kam Toi Shan (L’éternelle société Ming de la montagne Kam Toi). Par une décision commune, les ancêtres décident de répartir les forces et diviser la communauté en plusieurs foyers afin de répartir le pouvoir en plusieurs divisions au lieu de centrer les révoltes en un point. La société se divise alors en cinq loges réparties sur les différentes provinces.
Une organisation spécifique et rigoureuse
La base sociale des sociétés secrète est complexe, les adhérents sont recrutés essentiellement dans les classes populaires, chez les paysans pauvres entre autres mais plus particulièrement parmi les errants et les marginaux de la société rurale, ce sont des portefaix, des journaliers agricoles, des vagabonds, des colporteurs, des artisans itinérants, des bateliers, des baladins, des contrebandiers qui recherchent dans ces sociétés une sorte de structure d’accueil. Toutefois, même si une majorité est issue des classes défavorisées, elles comptaient néanmoins parmi leurs membres des classes dirigeantes, des soldats, des lettrés, des fonctionnaires dégradés, des notables intrigants, des fils de familles dévoyés.
La triade traditionnelle possède un organigramme en forme de pyramide qui présente l’importance de leur organisation, tout d’abord, “Tête de dragon” ou “maître de la montagne”, il endosse le poste de chef . Il y a peu de personnes au sein de cette organisation qui connaissent sa véritable identité. Puis, il y a le “Maître des encens” qui s’occupe du contrôle du recrutements des nouveaux membres et procède à la cérémonie, c’est celui qui est chargé de faire perdurer les traditions et les rites des ancêtres. Ensuite, on trouve la “Sandale de paille”, il s’occupe des affaires qui se déroulent en dehors des triades, il permet de faire la liaison entre les membres parti en mission et l’intérieur de la triade. Après, vient le “Bâton rouge”, il assure la paix et le respect à l’intérieur du groupe. Enfin, l’”Éventail de papier blanc” s’occupe des finances, de la trésorerie et du côté administratif de la triade. Tout en bas de la hiérarchie se trouve les soldats, il s’agit du groupe le plus nombreux, ils exécutent les ordres.
Numérotation et comportement
Les sociétés secrètes possèdent une numérologie complexe et précise, aujourd’hui encore l’histoire de celle-ci reste obscure, bien qu’on puisse tout de même lui donner une explication, rien n’est certain, il s’agit plus de déduction. En chine, les chiffres ont une symbolique très forte qui est ancrée dans la culture et dans les mœurs de la chine. L’emploi des nombres pour désigner le rang hiérarchique n’est donc pas anodin. Le chiffre 4, en mandarin 死 “si” signifie la mort, mourir. Pour les chinois, il est symbole de malheur, à tel point qu’il n’est pas rare de le supprimer des rues, des étages etc. Cependant, les sociétés secrètes créent leur propre système numérologique avec une signification qui leur est personnelle, ainsi, le chiffre 4 est supposé représenter les 4 océans entourant le monde et soulignant le caractère universel des triades. Concernant le numéro 489 du maître de la montagne, Shan chu, si l’on procède à l’addition de ses unités on obtient le chiffre 21 (4+8+9=21). En mandarin, le nombre vingt et un ressemble au caractère Hung, qui signifie rouge. Le rouge est une couleur importante au sein des triades, elle représente le pouvoir mais aussi le sang qui unit tous les membres de l’organisation. Aussi, en additionnant les unités de 21, on obtient le chiffre 3 (2+1=3), qui est symbole de création et de bonheur. Le
Shan chu est donc le symbole du cycle de la vie au sein de la société.
Viens ensuite, le Heung chu, le maître d’encens, numéro 438, en additionnant les unités on obtient le chiffre 15 (4+3+8), la signification réside dans les chiffres 3 et 5 car quinze est le résultat de la multiplication de trois par cinq. Alors que le chiffre trois est symbole de création et de bonheur, le cinq est celui de la longévité, de la préservation. Cette symbolique est une référence directe à son rôle au sein des triades. Le maître d’encens est celui qui procède aux rituels de la société, c’est celui qui va transmettre et faire en sorte que les valeurs de la société perdurent.
Pour le 432, Cho hai, il faut multiplier quatre par trente-deux, on obtient ainsi le nombres de personnes vivant dans le monastère Shao Lin. Le bâton rouge, Hung kwan , sous le nombre 426 fait référence 108 moines qui combattirent sous la dynastie sung. En effet, de par l’opération 4×26+4, on obtient 108.
Enfin, les soldats représentent le nombre de serment que doit prononcer le nouveau membre lors de la cérémonie d’affiliation et qu’il devra respecter tout au long de sa vie. (4×9=36) Des nombres sont récurrents au sein des triades, comme le 108 ou le 36. Ils correspondent aux droits d’entrée dans une triade. Ainsi que le montant de l’argent extorqué par les triades aux entrepreneurs et aux commerçants correspond à l’un de ces deux nombres multipliés par un facteur de dix.
Bien que la société originelle soit divisée, des signes d’appartenances distincts et reconnaissable uniquement par les membres de la société sont créés afin de garder l’identité secrète et prolonger le mystère mais qui permettent aux membres de se distinguer entre eux.
L’utilisation des chiffres et, de la gestuelle d’une manière générale permet aux membres de faire différents des signes discrets mais distinctif exprimant leur appartenance à une triade. Il s’agit donc d’un moyen de communication entre les triades. Par exemple, certaines questions nécessité une réponse ou un type de réponse en particulier, ainsi à la question « où êtes-vous né ? », un membre répondra « sous un pêcher », ou toute phrase qui contient le mot « pêche
». A la question « Avez-vous une mère », il répondra « J’en ai cinq ».
Une mafia traditionnelle
Les sociétés secrètes possèdent leur propre idéologie, elles se nourrissent des cultes populaires, des systèmes philosophique et religieux minoritaire comme le taoïsme, le bouddhisme, le manichéisme. Elles promettaient l’au-delà, une vie nouvelle, l’enseignement des techniques d’immortalité des taoïstes.
Au cœur de la société
L’entrée dans une triade passe par une longue cérémonie d’initiation qui reprend des références historique, mythologique et symbolique des sociétés secrètes. Avant toute chose, il faut s’acquitter de droits d’entrés, la somme est partagée entre la trésorerie et le parrain du nouveau membre. Puis, une cérémonie est organisée et mené par le maître d’encens, elle a généralement lieu la nuit du vingt-cinq ème jour du mois chinois dans un lieu, appelé “loge” particulièrement élaboré qui doit ressembler symboliquement à la cité des Saules, la première ville dans laquelle une triade s’est établie selon la mythologie. Un autel est placé en évidence, sur lequel on place le tau, un tube de bois rempli de grain de gris symbolisant chacun des membres de la triade, quatre mots signifiant la loyauté et la longévité sont peint en rouge. On trouve sous l’autel quatre tablette verticale écrite en noir sur un fond rouge sur lesquelles on peut lire « les personnes dignes de confiances joignent la société », « les personnes déloyales ne peuvent brûler de l’encens ici », « les héros sont suprêmes » et « les hommes braves n’ont pas d’égaux ». Enfin, on suspend devant l’autel un grand morceau d’étoffe jaune sur lequel ont écrit les trente-six serments et différentes épigrammes.
Le nouveau membre, où lanterne bleue se présente pieds nus, cheveux ébouriffés, manteau ouvert afin de ressortir comme un homme nouveau, vêtu autrement, coiffé, laver. Au début de la cérémonie il doit répéter des vers, serment de sa fidélité, ainsi que des règles de comportement. Ces vers une fois récités forment une promesse faites à tous, la recrue jure devant les cieux, il accepte une nouvelle vie, l’entrée dans une fraternité, il proclame qu’il vivra et mourra pour et aux côtés de ses frères, qu’il prendra dorénavant ses frères pour famille. Il jure fidélité, loyauté et sincérité, il respectera les règles de gentillesse, de droiture, d’obéissance et sera particulièrement sensible au sort de la confrérie.
Puis, deux sandales de paille entrent et reçoivent du maître d’encens un rouleau de papier jaune orné de deux dragons et deux phénix sur lequel est inscrit les trente-six serment. Le nouveau prend le rouleau et tout en l’ouvrant s’agenouille sur le genou droit, un autre membre s’agenouille à ses côtés sur le genou gauche, tenant le bout du rouleau. Tous les autres membres s’agenouillent tandis que la recrue prononce trente-six serments par lesquelles il s’engage, en particulier, à garantir le secret de la société à laquelle il va appartenir mais aussi à se soumettre aux règles et promet de ne jamais nuire à la triade. Aussi, il prend connaissance des sanctions qui peuvent peser sur lui en cas de transgression. Lorsque la recrue termine sa lecture, la lanterne bleue et les membres de la société se pique à l’aide d’une aiguille le deuxième doigt de la main gauche et verse le sang dans une coupe contenant de l’eau, le sang d’un coq ainsi que du vin. On brûle alors le papier jaune afin de verser les cendres dans la coupe. Chacun des membres présents, trempent leurs lèvres dans la coupe pour témoigner de la fraternité, puis, on la brise afin de rappeler à la recrue son destin en cas de trahison. Ceci fait, la lanterne bleue est officiellement reconnue comme membre à part entière de la communauté. La cérémonie continue avec la lecture à l’ensemble des membres des 21 règles, des 10 interdictions et des
10 offenses passibles de punitions. La peine de mort est très souvent appliquée ainsi que les châtiments corporels comme les coups et les oreilles tranchées.
Ces listes permettent de démontrer le lien fraternel qui unissent les membres, les sociétés reposent sur un réel sentiment d’appartenance, de fidélité et d’entraide. Enfin, le reste de la cérémonie se concentre sur de la récitation de versets et de balades en l’honneur des ancêtres et des actions des sociétés.
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